chronique d’un rappeur qui écrit son épilogue en poète

Oxmo Puccino – La Hauteur de la Lune

Il y a des albums qui ne se contentent pas de livrer des morceaux : ils tracent une constellation. Avec La Hauteur de la Lune, Oxmo Puccino ne sort pas seulement un neuvième projet, il orchestre un moment de bascule. Comme si, après des décennies à raconter les failles, les colères et les rêves de son époque, il avait décidé de lever la tête vers le ciel pour inscrire sa voix dans quelque chose de plus vaste, plus intemporel.

Un titre qui dit tout

La Hauteur de la Lune”. Le choix n’est pas anodin. La lune, chez Oxmo, ce n’est pas la lumière brute du soleil ni la fureur du feu. C’est une clarté fragile, changeante, parfois inaccessible, mais qui guide les pas dans la nuit. En nommant son album ainsi, il affirme : ce disque n’est pas un sprint, c’est une élévation. Une élévation au-dessus du bruit du game, au-dessus de la consommation rapide des morceaux, pour viser la poésie pure.

Oxmo, artisan du verbe plus que rappeur

Alors que beaucoup de ses pairs se battent pour le streaming, Oxmo choisit le mot comme héritage. Sa plume est un scalpel qui ne cherche plus à impressionner, mais à inciser la mémoire collective. Dans ses textes, on retrouve :

  • des images qui mêlent l’intime et l’universel (la colère d’un homme face au temps qui passe, mais transposée en métaphore céleste),
  • un refus du bavardage et de la punchline gratuite,
  • la volonté de laisser une trace qui ressemble plus à un recueil de poésie qu’à une playlist taillée pour TikTok.

Des featurings comme dialogues symboliques

Les invités ne sont pas là pour le prestige :

  • MC Solaar : deux monuments de l’écriture française se rencontrent, comme un passage de relais entre générations.
  • Vanessa Paradis : l’irruption d’une voix hors rap qui offre une respiration lumineuse dans l’album.
  • Tuerie : la jeunesse rugueuse, miroir de ce qu’Oxmo a été pour ses aînés.

Ces collaborations racontent une histoire : celle d’un artiste qui ne se contente pas de clore un chapitre, mais qui organise une passerelle vers les autres.

Un disque testamentaire

Chaque morceau peut être lu comme une étape d’un voyage intérieur. Oxmo ne cherche pas à “rester dans la course”, il accepte la fin d’un cycle. Mais au lieu d’un adieu amer, La Hauteur de la Lune est une célébration lucide : la reconnaissance du temps, de la transmission, et de la beauté qu’on laisse derrière soi.

C’est un album-testament, pas dans le sens tragique, mais dans le sens héritage : il offre ses mots comme on offre une bibliothèque à ceux qui viennent après.

Entre rap et littérature

Là où certains rappeurs finissent par se répéter ou par s’effacer, Oxmo choisit la voie de la littérature. La Hauteur de la Lune pourrait se lire comme un recueil de poèmes urbains, une “anthologie de la lucidité”. Le disque n’est pas seulement musical, il est philosophique : qu’est-ce qu’on laisse, quand on a tout dit ? Que reste-t-il de nos colères, une fois apaisées ? Peut-on encore viser la lune, quand les pieds sont alourdis par les années ?

une orbite définitive

Oxmo Puccino a toujours été surnommé le “Black Jacques Brel”. Avec cet album, il assume pleinement cette filiation : un artiste qui ne se définit plus par les charts, mais par la hauteur de ses mots. La Hauteur de la Lune n’est pas une fin, c’est une orbite. L’astre Oxmo ne s’éteint pas, il continue de briller, mais désormais à distance, comme une lumière à laquelle on repense quand on lève la tête la nuit.