Accueil Musique Album BOLEMVN — BON QU’À ÇA Avec BON QU’À ÇA, Bolemvn cogne fort, mais pas là où on l’attend. Loin d’un simple projet de rap nerveux, cet album est un coup de poing dans les étiquettes qu’on lui a longtemps collées. L’enfant de Grigny, souvent vu comme un trublion de la trap, se livre ici dans un format plus large, plus honnête, plus risqué. Derrière le titre provocateur, il y a une réflexion amère sur la manière dont on perçoit les rappeurs de quartier, et plus globalement sur ceux à qui la société refuse des alternatives. C’est un projet qui parle de limites imposées, mais aussi de ce qu’on fait quand on décide de les repousser. “Bon qu’à ça.” Trois mots simples, qui claquent comme un jugement de société. Celui qu’on balance aux jeunes des quartiers dès l’enfance, comme un verdict définitif. Bolemvn retourne cette formule stigmatisante et en fait un moteur de rage constructive. Dès l’intro, le ton est donné, il ne s’agit pas ici de plaire, mais de dire. Dire les échecs, les doutes, les travers, mais aussi l’envie d’exister autrement, avec ses codes, ses douleurs, ses rêves. Le projet n’est pas plaintif, il est lucide. Musicalement, BON QU’À ÇA reste ancré dans le territoire de Bolemvn, une trap puissante, sombre, percutante, mais avec une place grandissante pour les mélodies et même pour une certaine vulnérabilité. L’artiste joue avec sa voix, module ses flows, et s’autorise des respirations où la colère se fait réflexion. Le projet propose une véritable palette de textures, des titres égotrip nerveux, des morceaux introspectifs, des refrains chantés, des ambiances presque ciné… Chaque track apporte une nuance, une nouvelle facette de son univers, sans jamais perdre le fil conducteur, la vérité brute. Là où ses précédents projets misaient sur l’efficacité immédiate, BON QU’À ÇA assume une construction narrative plus complexe. Bolemvn y revient sur sa trajectoire, sur le piège de la réputation, sur les contradictions entre ambition et loyauté, sur le prix du succès. Il ne cherche pas à embellir les choses, il expose. Ses textes parlent de solitude même quand on est entouré, de réussite vécue comme un mirage, de violences subies autant que reproduites. Le style est direct, parfois cru, mais toujours sincère. Grigny n’est pas un décor dans l’album, c’est un personnage vivant, une présence constante. La ville est évoquée comme un fardeau, un refuge, une école. Elle façonne l’attitude, la mentalité, l’imaginaire. Bolemvn n’en fait pas un folklore, il raconte ce que c’est d’en venir, et de tenter d’en sortir, sans se renier. Le lien à la rue n’est pas romantisé, il est décrit dans sa complexité, sa violence mais aussi sa fraternité. Ce rapport ambivalent est au cœur du projet. Avec BON QU’À ÇA, Bolemvn dépasse son image de kickeur nerveux pour livrer un vrai projet de positionnement. Il ne cherche pas à faire taire les clichés, il les regarde en face, les déconstruit, et les retourne à son avantage. C’est un album qui marque une évolution de fond, une affirmation artistique et personnelle. Il n’est pas là pour plaire à tout le monde. Il est là pour exister pleinement, en tant que lui-même, et ça, c’est peut-être ce qu’on lui refusait le plus.