“Mentalité”, un album qui n’aurait pas pu se réalisé sans un mental d’acier

BRVMSOO – Mentalité

Brvmsoo s’apprête à sortir son tout premier album chez BMG. Son titre? “Mentalité”. “Pourquoi ce titre ? Parce que si je n’avais pas eu le mental, je n’aurais pas réussi à le faire, ce disque. J’ai traversé une période où il s’est passé plein de trucs. Sans le mental, j’aurais carrément arrêté le rap, je te le dis ! La vérité. Ce n’est pas le virus qui m’a plombé, non ! Ce sont mes proches, mes potes, les réseaux, trop de trucs. Je ne vais pas te mentir : pendant une grosse période, j’ai été dégoûté de la musique. La musique, c’est ma passion. Mais là, j’étais prêt à tout stopper. Sur les réseaux, ça me descendait de partout à la sortie de ma mixtape, plein de gens qui ne m’avaient même pas écouté m’ont descendu, j’ai perdu des potes encore et encore et encore. J’avais quoi? 17 ans. 18 ans. Je voulais vivre comme quelqu’un de normal mais j’ai compris que c’était devenu impossible. Ça m’a fait mal à la tête.” Brvmsoo, 19 ans, de Nanterre, Brice Campbell dans le civil, colosse, n’a pas l’âge d’avoir vécu toutes les guerres. Pourtant, à l’écoute de “Mentalité”, une impression se détache assez vite : il rappe comme s’il avait déjà traversé tous les océans du doute et de la trahison. Comme s’il avait eu sept vies. Mille vies. Sa maturité, sa lucidité, son refus d’abdiquer ont de quoi impressionner. La haine virtuelle, les coups du sort, l’existence qui trébuche, il a connu. Il connait. Il a douté. Il a souffert. Et il est remonté au front. “Ce disque, je l’ai fait avec tout mon coeur. Je suis parti sur un nouveau délire. J’ai voulu y mettre plein de choses. Une nouvelle énergie que je n’avais pas avant. Aujourd’hui, je connais vraiment ma voix, ses pouvoirs et ses limites, je sais ce que je sais et ne sais pas faire…”. Quand on lui fait remarquer qu’il y a là comme un paradoxe, qu’on ne peut pas à la fois vouloir tout quitter et persévérer, sa réponse est plus qu’éclairante : “Sans mes potes, sans ma daronne, je te jure que je n’aurais pas enregistrer ce disque. Grâce à eux, j’ai arrêté de me morfondre. Ma daronne m’a beaucoup parlé. Tous les jours, des appels. Ça m’a grave aidé. J’ai compris que personne ne pouvait me niquer mon plaisir. Je me devais de faire un album qui arrache tout ! Un jour, je me suis dit : “On va se lever, on va aller en studio et on va tout donner !” Et puis, si tu abandonnes, tu donnes raison aux cons”. Il faudra un jour écrire le grand livre sur l’importance des daronnes dans le hip hop… On repense alors à la fameuse phrase de l’écrivain Bernanos : “Les ratés ne nous rateront pas”. Brvmsoo l’a bien compris : pendant que la lâcheté et l’aigreur s’expriment librement sur les réseaux, lui cravache, avance, progresse, dessine son futur. Aux mots, il a choisi les actes. Au vide, la chair, la sueur et le sang qui bouillonne dans les veines. Et donc, il s’est accroché. Il a dépassé la frustration, la rage parfois, il a écrasé les rires anonymes et les haines de claviers. Et, oui, il est remonté en première ligne. C’est un enfant qui a grandi loin du confort, un homme qui préfère regarder l’horizon que dans le rétroviseur. Une machine à vivre. Un artiste sans concession et sans œillère. Quand il se souvient de son enfance, devant la télé, à regarder en boucle les clips, on devine que la musique était déjà là, au centre. Toute la musique : rap, pop, variété, peu importe. Il enregistrait, il gravait dans sa mémoire pour mieux ensuite dégainer ses chansons à lui. Il a six ans. Un oncle dit à son père, presque en passant : “Un jour, ce petit, il va devenir chanteur”. Le fil invisible du destin… Rien d’étonnant alors de découvrir dans ce “Mentalité” un univers hybride. Rap, trap, mélancolie et ego trip, sourires en coin et poings serrés, bitume, ombres et lumières, daron et amour, fric et business, quartier et humanité, dans toute sa complexité. Brvmsoo peut tout se permettre parce qu’il n’a peur de rien. Parce qu’il ose tout, sûr de ses forces. Il utilise souvent l’expression “tout droit” pour expliquer son parcours. Pas né avec un micro en argent dans la bouche, il sait que la vie ne lui fera pas de cadeaux et que c’est à lui d’écrire la suite. Ce qui frappe quand on écoute ses nouveaux titres, c’est cette capacité à partir des ténèbres pour viser la lumière. Il refuse la fatalité avec une hargne incroyable. Il est aujourd’hui plus fort parce qu’il n’est pas mort, pour paraphraser le philosophe Nietzsche. Ce n’est pas une simple posture. C’est exactement qui il est. Il ne dit pas autre chose dans le freestyle qu’il a balancé le 25 février sur Instragram pour annoncer son album. Ce disque sans drapeau blanc, c’est à la fois une main tendue au monde et un gros doigt aux haters. “T’as tout compris !” dit-il. Avec plus de 240 000 abonnés sur Instagram, 207 000 sur YouTube et plus de 100 millions de streams, Brvmsoo ne laisse visiblement pas indifférent. Il est là. Il grimpe. Il ne lâche rien. Enregistré aux studios de la Seine, à Paris, “Mentalité” est un disque qui ne ressemble à aucun autre. “392”, qui ouvre, et son piano de pluie et ses doigts qui claquent, dit presque tout de lui :“Ce chiffre, c’est en référence à mes ventes de première semaine de ma mixtape sur Twitter. 391. Je l’ai donc appelé 392 (rires). Pour conjurer le sort et rire au bord du gouffre. Un artiste qui sait se moquer de lui-même et de ses failles n’a rien à craindre. Il est blindé. Armure en titane. “Cette intro, je l’ai faite au feeling en studio. J’ai su que ce titre débuterait l’album, c’était une certitude.” Ici, il se livre, règle ses comptes et avance, coûte que coûte. “Game Over”, single imparable, “c’est notre hymne à moi et mes potes, c’est le son de la libération” précise-t-il. Je suis de retour et vous avez perdu, voilà ce que dit ce titre qui ne fait pas de prisonnier. Et où Brvmsoo compte bien, un jour, avoir la même baraque qu’Obama (vous l’avez ?). C’est la fin du jeu pour ceux qui ont ricané sous cape. “Vie d’Avant” dévoile un feat de Joé Dwèt Filé : “Lui, je le kiffe, il est trop fort. Il a du coeur ce bâtard (rires). Et il a accepté de faire un feat avec moi quand personne ne voulait. Toute ma vie, je lui en serai reconnaissant… Là, je parle d’une meuf qui part avec un autre mec.” Chez Brvmsoo, la mythomanie n’est jamais convoquée. Elle est un frein, une perte de temps. “Colis” est un titre trap qui fédère sans attendre. “Best Friend” évoque encore une histoire d’amour. Ou quand un homme a autre chose en tête, des soucis, d’autres priorités. “Shooter”, le single à venir, avec un feat de Bné, du groupe 4Keus, c’est de l’alchimie pure, un duo viscéral : “C’est grâce à 4Keus” que j’ai fait mon premier concert, il m’ont invité sur Skyrock. Des gars sûrs. Là, en studio, on a juste glissé sur la vibe…”. “Seuls contre Tous” porte très bien son titre. Ce n’est pas le plus fort qui gagne mais celui qui persiste. Même pas peur ! “Riche”, chanson solaire, prod à l’américaine, banger total. Sur “Fatiguant”, on retrouve Aero, de la PSO Thug. “Quand j’allais encore au foot, j’avais 13-14 ans, j’écoutais la PSO Thug à fond. Y’avait rien d’autre dans mon téléphone. J’avais eu Leto dans mon premier projet. Et là, Aero ! C’est un big big honneur ! Une grosse dinguerie !”“Ricardo Kaka”, clin d’oeil au football, – Brvmsoo a longtemps tapé la balle et aurait bien aimé porté le maillot de Liverpool-, c’est une histoire de passes décisives, de livraisons  illicites, c’est le quartier qui se débrouille. On fait tourner le ballon… “Courage” est un nouvel hymne de Brvmsoo et ses potes : “Pour nous suivre, pour vivre ma vie, il faut vraiment du courage. Si tu n’as pas ça, t’es mort. T’as capté ?” On a capté. “Ghost” fait référence à la série Power, produite par 50 Cent et relatant la destinée d’un trafiquant de drogues de New York, qu’adore Brvmsoo. Avec un feat de Prototype. “Je me comporte parfois comme un fantôme. Dans le refrain, je dis que j’arrive toujours quand tu ne t’y attends pas et je repars aussi vite.” “Jorja” appartient à cette catégorie de titres sur l’album plus lumineux, respiration salutaire avant de replonger au coeur de la réalité. Enfin, “En Dernier”, conclusion dévoilant un extrait du film de 50 Cent “Réussir ou Mourir” et où les histoires d’amour ou d’amitié finissent mal, en général… L’album de Brvmsoo est terminé. “Ce disque, c’est un chanteur qui a la dalle. Et ça va te faire du bien quand tu vas l’écouter. Écoute, c’est de la frappe ! Moi, je fais de la musique pour tout le monde. Pour tout le monde !” La bonne mentalité, indéniablement.