Tendresse – le rap en rose

Tendresse est une vraie claque musicale de par son franc parler ! Quand bien même l’artiste est parfois provocatrice par ses punchlines, elle a néanmoins su laisser son empreinte pleine de douceur et de beauté dans la jeune histoire du rap et du hip hop marocain. L’artiste représente en effet une des figures majeures du rap féminin «  première génération » au Maroc, et après des années de silence radio, la voilà de retour cette année avec son nouveau son Alone !

Hanane Lafif, future Tendresse est née d’une famille nombreuse le 17 janvier 1987 à Bourgogne, quartier populaire de Casablanca, au Maroc. La tension à la maison avec ses neuf frères et sœurs étant parfois trop palpable, la jeune fille commence très jeune à écrire des petits poèmes en arabe, puis en français. Quand bien même on lui interdit d’écrire et qu’on l’empêche de s’enfermer dans les toilettes, son seul refuge, Hanane continue d’écrire pour défouler ses émotions. La jeune femme est tombée amoureuse du rap dès l’an 2000. Baignée dans la culture urbaine marocaine, elle sillonne donc les rues casablancaises pour confronter ses freestyles avec ceux d’autres rappeurs, surtout des hommes. Pour ne pas mettre la puce à l’oreille de ses parents concernant sa participation aux battles, Tendresse prétend aller au hammam. Le rap conscient devient rapidement une véritable raison de vivre pour elle. Au fil de son flow, elle a su se faire entendre, tout d’abord en tant que femme, puis en tant que rappeuse. Hanane fait donc sa place en tant que femme féminine dans le monde machiste du rap, se faisant reconnaître et protéger de ses pairs masculins. Par son rap conscient, elle exprime l’espoir de la jeunesse, parle de la foi, de son vécu, de sa femme, de ses sentiments… elle parle aussi d’amour, notamment à travers son morceau Houwa, qu’elle révèle en 2011. Son style est unique par son flow rythmé et décalé qui vient du cœur, sa plume subtile et franche, gorgée de réalisme et d’ironie. À la fois féminine et un brin provocatrice, ses répliques assassines lui valent une place au sein du mouvement rap casablancais.

Après son Bac, Hanane intègre des groupes comme B Click (« B » en référence au quartier de Bourgogne, à Casablanca), avec lequel elle sort un maxi album. Voilà donc Hanane alterner entre son travail en centre d’appels et ses enregistrements en studio. Elle finit par se consacrer au rap féminin conscient en 2006, en rejoignant le groupe Xsid, avec lequel elle sort le mini-album Come Back. C’est avec Xsid qu’elle fera sa première scène et se fera connaître du grand public. Hanane entame ensuite une carrière solo sous le nom de scène de « Tendresse », un blaze qui résonne ne contraste avec l’univers viril du rap marocain. Elle fait progressivement son trou dans le milieu, en enchaînant les featurings et en participant à de nombreuses mixtapes. Tendresse collabore avec le fameux DJ Cut Killer pour le titre Underdog de la mixtape Freestyle Maroc, que le DJ produit en France et sort le 14 février 2006. C’est avec cette alliance que Tendresse s’est propulsée dans la cour des grands ! L’année 2010 se fait plus intimiste pour l’artiste. Elle produit son single L’Kola Mra, qui dévoile une autre facette de l’artiste : celle de la femme. Le morceau traite de la vie, du vécu et des conditions de vie en tant que fille, sœur, mère et autres statuts sociaux qu’endosse la femme marocaine. L’Kola Mra devient rapidement un hit qui révèle l’univers de Tendresse, « son rap en rose » comme elle se plaît à l’appeler. En 2011, elle participe au Festival Hip Hop(e) à Bruxelles, qui dédie sa scène aux artistes féminines internationales. Là-bas, elle y représente le Maroc.

Malgré ce petit succès, cela reste compliqué pour Tendresse d’être pleinement reconnue dans le large milieu du rap, et surtout de faire accepter sa passion à sa famille. En effet, ses parents voient le rap comme quelque chose d’étranger à leur mode de vie traditionnel. C’est quand ils se mettront à vraiment écouter son rap et à la voir en prime time d’une émission qu’ils seront fiers de leur fille… Malgré le peu de soutien professionnel et le manque de reconnaissance de son travail dans le milieu du rap marocain, l’artiste travaille, encaisse  et s’améliore. Elle souhaite faire un premier album solo à succès, qui transmet un message progressiste, et s’y consacre actuellement. En quête de ce frisson qui la motive, Tendresse rêverait de jouer des concerts, entourée de ses fans.

Même si elle ne se considère pas comme étant la porte-paroles des femmes marocaines, Tendresse a su marquer toute une génération de filles qui voient en elle une source d’inspiration. Et après des années de silence, Tendresse revient en 2018 pour de nouveaux sons, notamment son single C.O.D.E, qui mêle l’arabe, le français et l’anglais sur un son purement trap. La même année, c’est Hadchi qu’elle présente comme un son plus sombre, plus organique, et plus intimiste, de par son flow quasi susurré. Enfin, pour clore l’année 2019 en beauté, Tendresse s’est allié avec Don Bigg pour le featuring J.L.G.M, en octobre 2019.

Le morceau NTA, que l’artiste dévoile le 14 février 2020, est un son sensuel, mêlant un saxo jazz avec un beat hip hop et une voix R’n’B. Après avoir dévoilé son morceau B.W.B en mai 2020 entre quelques freestyles, Tendresse sort le 8 août 2020 son nouveau son Alone. Subtil mélange d’anglais, arabe et de français, le clip est filmé dans sa ville natale et exprime visiblement un ras-le-bol de la part de la rappeuse. Quelque chose se préparerait-il du côté de la rappeuse marocaine ? Peut-être le premier album tant espéré… mystère !

Alice NICOLAS