Grand Corps Malade – la sagesse du slam

Sa voix atypique est reconnaissable d’entre toutes : basse, profonde, charnelle… son slam poétique est empli de sagesse et d’humanité. Grand Corps Malade voit son œuvre rayonner dans tout l’hexagone depuis sa percée en 2005. Actuellement, il prépare son septième album, Mesdames, et bien sûr, l’actualité l’inspire toujours pour de sublimes singles…

La liste des rôles que Grand Corps Malade endosse durant sa carrière est aussi grande que sa silhouette (d’1m94) : slameur, poète, auteur-compositeur-interprète, réalisateur, scénariste et même doubleur. Pourtant, le jeune Fabien Marsaud (de son vrai nom) ne se destinait pas à l’art de prime abord. Né le 31 juillet 1977 au Blanc-Mesnil de la Seine-Saint-Denis, le petit Fabien est bercé par la musique de Jacques Brel, Georges Brassens ou Barbara. Âgé d’une quinzaine d’années, l’adolescent se met à écrire et réciter des poèmes devant sa mère bibliothécaire. Grand fan de Renaud, Fabien s’éprend également du rap français, dont il trouve cet intérêt commun pour les textes et les mots. Malgré cette passion littéraire, le jeune garçon se dévoue à faire carrière dans le sport. Fabien prépare donc un DEUG sport-études à l’Université de Paris X, afin de devenir professeur de sport, et pourquoi pas basketteur professionnel. Il joue par ailleurs dans l’équipe d’Aubervilliers en ligue Nationale 3 en tant qu’allier. À vingt ans, alors qu’il anime une colonie de vacances, un mauvais plongeon dans une piscine lui déplace des vertèbres, et le rend tétraplégique. Les médecins lui annoncent qu’il ne marchera plus, mais c’est sans compter la détermination de Fabien, qui recouvre l’usage de ses membres après un an de rééducation complète. Pendant sa convalescence, le jeune homme se met à écrire, abordant dans ses textes les sujets de son handicap, de sa vie en banlieue,  de ses amis et de la société en général.

Grandissant dans la culture hip hop, il découvre le slam en 2003, dans un bar Place de Clichy à Paris. C’est là-bas qu’il récite son premier texte de scène intitulé Cassiopée. Il finit par se lancer dans cet exercice de déclamation poétique sous le nom de scène de Grand Corps Malade. L’artiste parcourt les scènes ouvertes aux côtés du collectif 129H et John Pucc’Chocolat. Il se fait progressivement remarquer dans le milieu en remportant notamment les premiers grands tournois de slam de France de Bouchazoreill’ ainsi que le Slam United. En compagnie de ses acolytes John Pucc’Chocolat et Ami Karim, Grand Corps Malade anime les soirées « Slam’Alikoum » au Café Culturel de Saint-Denis. En parallèle, il crée Le Cercle des Poètes, un spectacle sans instru composé des slameurs Droopy, Techa, les 129H et John Pucc’Chocolat. Le show est présenté lors de nombreux festivals. Le poète enchaîne  les premières parties de concert : Cheb Mami, Mouss et Hakim (membres de Zebda), mais est aussi invité lors des shows humoristiques d’Elie Semoun et d’Eric & Ramzy. C’est finalement en 2005 que Grand Corps Malade finit par percer, contribuant grandement au développement du slam dans l’hexagone. À travers l’association Flow d’Encre, il intervient dans les écoles, les hôpitaux, les centres sociaux et les MJC, afin de transmettre à la jeunesse cet art de l’écriture et de la poésie orale qu’il affectionne tant.

Quand bien même le slam est un art a cappella, Grand Corps Malade s’allie avec son ami compositeur S Petit Nico, rencontré durant ses scènes slam, afin de mettre ses textes en musique. Le slameur rencontre entretemps Jean Rachid, un  comédien humoriste reconverti à la production, qui l’aide à concevoir son disque. Jean-Rachid présente l’artiste à Valéry Zeitoun, directeur artistique du label AZ. Convaincu par le talent de Grand Corps Malade, Zitoun lui fait signer un contrat. De ces collaborations naît un premier album, Midi 20, qui sort le 27 mars 2006. Par ce premier opus, le grand public découvre le slam. La vie personnelle de Grand Corps Malade comme sa poésie touchent son auditoire ainsi que les médias, qui étaient jusque-là réticents à l’idée d’aborder la scène hip hop. Après avoir été invité au show Grand Cabaret de l’humoriste Edouard Baer, Grand Corps Malade fait sensation à la Cigale de Paris en mai 2006. Son premier opus est élu « Album Révélation de l’Année » et « Révélation Scénique » aux Victoires de la Musique de 2007. Le poète a par ailleurs failli recevoir le Prix Constantin, finalement attribué au slameur hip hop Abd Al Malik. Qu’importe pour l’artiste tant qu’il continue à partager ses textes au plus grand nombre. Un vœu exaucé par le tourneur-producteur de l’humoriste marseillais Titoff, Jean-Philippe Bouchard, qui lui organise une tournée nationale d’une centaine de dates. Pendant ce temps, Midi20 se vend à plus de 500 000 exemplaires, continuant de grimper dans le top des meilleures ventes annuelles. Aussi, le nom de Grand Corps Malade ne cesse de s’inscrire sur divers albums d’hommages et d’autres artistes…

Le 31 mars 2008, le deuxième album Enfant de la Ville voit le jour, dévoilant des textes profonds et des accompagnements musicaux plus affirmés. L’opus contient plusieurs collaborations d’artistes (comme Kery et Oxmo Puccino). S’ensuivra de la sortie de cet album une tournée internationale en Europe, au Canada, au Mali et au Liban. La même année, le slameur est nommé Chevalier dans l’ordre des Arts et Lettres, et fonde le collectif « Ça peut Chémar », qui propose la soirée mensuelle « Cabaret Urbain »… Le 18 octobre 2010, son troisième album, 3ème Temps, démontre des textes plus engagés, et se compose de collaborations avec de nombreux artistes comme Charles Aznavour. Pour son quatrième album, Funambule (sorti en octobre 2013), Grand Corps Malade fait appel au talentueux Ibrahim Maalouf pour illustrer musicalement ses textes à la touche très familiale et emplis de tendresse. En 2015, l’album-concept Il nous restera ça, invite divers artistes de toute génération à slamer. Finalement, son sixième album Plan B sort le 16 février en 2018. Grand Corps Malade enchaîne sur une tournée nationale, avec trois dates complètes à la Salle Pleyel et des concerts à l’Olympia. Entretemps, le poète s’active dans le cinéma en doublant des personnages de films d’animations de Jack et la Mécanique du Cœur de Mathias Malzieu et Stéphane Berla (en 2013) et Sahara de Pierre Coré (2017). En 2016, il réalise aux côtés de Mehdi Idir son film autobiographique Patients, dont il écrit la musique. Trois ans plus tard, il présente son autre film La Vie Scolaire. En août dernier, l’artiste sort son double-album Collection 2003-2019, qui relate de ses plus grandes œuvres des quinze dernières années, ainsi que quelques exclusivités.

En 2020, Grand Corps Malade revient avec force sur la scène française. L’artiste est toujours actif dans son projet de cinéma, étant président du jury pour le Concours Moteur ! Le projet invite les jeunes de 14-22 issus de milieux modestes à réaliser des court-métrages avec leurs propres moyens. Le confinement inspire également le poète pour son single Effets Secondaires, sorti le 9 avril 2020. Le morceau sonne comme un remerciement envers le personnel soignant, mais aussi comme une réflexion sur la vie après la quarantaine. Tous les bénéfices de ce single sont directement reversés aux hôpitaux de Mantes-la-Jolie, du 78 et de Saint-Denis (93). S’ensuivra de cet émouvant hommage le titre Mais Je t’Aime en feat avec Camille Lellouche, publié le 19 juin. Dans un touchant face à face filmé par Yann Orhan, le duo déclame une sublime déclaration d’amour. Le single est par ailleurs extrait du prochain album du slameur, prévu pour le 11 septembre 2020. Mesdames sera un opus constitué de collaborations uniquement féminines, pour mettre les femmes artistes à l’honneur. On compte parmi les featurings Laura Smet, Véronique Sanson ou encore Suzane. À travers ce futur projet, Grand Corps Malade souhaite rendre un bel hommage à la gente féminine…

Alice NICOLAS

MAIS JE T’AIME – Grand Corps Malade & Camille Lellouche